Le syndrome de l’imposteur, comment s’en libérer pour mieux s’affirmer?
La docteure Sandi Mann, professeure en psychologie à l’université du Lancashire central, dirige sa propre clinique spécialisée dans les phobies, des crises de panique et les troubles anxieux. Ici, l’experte propose un guide pratique sur le syndrome de l’imposteur idéal pour:
- Comprendre les mécanismes du syndrome de l’imposteur;
- Vous évaluer grâce à des tests;
- Adopter les bonnes stratégies pour augmenter votre estime de vous et accroître votre réussite;
- Éviter le piège de la course à la perfection, et l’épuisement qui vient avec;
- Vous débarrasser enfin du syndrome de l’imposteur grâce à divers exercices.
Chapitre 1: Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur?
Le syndrome de l’imposteur apparait dans la littérature scientifique en 1978. D’abord, ce sont les femmes qui semblent en souffrir, puis 70% de la population, tous genres confondus. D’après les deux chercheuses de cette étude, le syndrome a trois caractéristiques:
- La croyance que les autres surestiment nos atouts et nos compétences;
- La peur d’être découvert(e) et montré(e) du doigt;
- La tendance systématique à attribuer nos réussites à des facteurs externes comme la chance ou le résultat d’un travail acharné.
Plusieurs modes de vie semblent présenter une plus forte tendance vers le syndrome de l’imposteur: les milieux universitaires, les groupes sous-représentés ou les autoentrepreneurs, par exemple. Ceci étant dit, quiconque peut avoir le syndrome de l’imposteur sans être dans ces catégories. Il en va de même pour les cinq différentes sortes d’imposteurs. Elles présentent de grandes catégories, mais ne sont pas restrictives. Parmi les catégories fréquentes se trouvent les perfectionnistes, les superwoman/superman, les génies naturels, les durs à cuire et les experts.
(Je me confie à vous cher lectorat. J’ai fait le test et j’appartiens aux 70% de la population qui est atteint du syndrome de l’imposteur. Je suis un imposteur du type Superman. Cela veut dire que je m’auto-impose de nombreuses règles, dont « plus j’en fais, meilleur je suis », « je devrais réussir à tout concilier », « je devrais pouvoir gérer ». Pour savoir comment m’en sortir, il faut lire plus bas!)
Chapitre 2: Pourquoi sommes-nous si nombreux à ressentir un sentiment d’imposture?
Le syndrome de l’imposteur n’est ni un échec ni un signe de faiblesse. Les raisons qui expliquent pourquoi nous sommes si nombreux sont multiples. Il y a la société, l’estime de soi. Il y a aussi le fait que les imposteurs attribuent leurs succès à des sources externes et leurs échecs à des sources internes. S’ajoutent à ces attributions les visions stables (« ça ne change rien que je travaille plus, le résultat sera le même ») et incontrôlables (« je ne peux pas changer le résultat de toute façon ») des succès et des échecs. Ces schémas se forgent à l’adolescence où on commence à prendre confiance en soi et à se comparer aux autres.
Évidemment, il y a les médias sociaux qui sont également en tort. Pourquoi? Parce que les gens ont tendance à embellir leurs vies. Parce que les efforts et les batailles pour parvenir au succès ne sont pas montrés. Aussi parce que nous avons la possibilité de nous comparer à un immense éventail de gens, une comparaison instantanée et omniprésente. Mais finalement, et surtout, parce que les médias sociaux font rechercher le « J’aime ».
Chapitre 3: Les femmes au travail, là où tout a commencé
Si le syndrome a été nommé pour la première fois en parlant des femmes, les spécialistes sont à même d’affirmer que le syndrome de l’imposteur touche les hommes également. Cependant, les femmes ont plus souvent l’impression d’être illégitimes que les hommes et sont donc, par le fait même, plus susceptibles de développer le syndrome de l’imposteur. Ceci est causé par plusieurs facteurs, dont la démonstration constante que le succès se conjugue presqu’exclusivement au masculin.
Le télétravail a un rôle à jouer. Notons d’abord qu’une plus forte proportion d’entreprises dirigées par des femmes favorisent le télétravail. Ce faisant, plus de femmes sont touchées par le télétravail. Or, le télétravail favorise le syndrome de l’imposteur à cause du manque de retours positifs et de compliments.
Quand on travaille à distance, on est souvent exposé à un spectre d’émotions moins large que lorsqu’on se trouve face à des gens. […] On communique essentiellement par courriel […] Il faut donc que les courriels soient courts, neutres et directs sans laisser de place à des échanges plus cordiaux comme ceux qu’on a entre collègues à la machine à café. […] Cela peut aussi faire douter [les travailleurs à domicile] de la qualité de leur travail, parce qu’ils n’ont pas les sourires chaleureux ou les regards reconnaissants qu’ils auraient au bureau. – Dre Sandi Mann
Chapitre 4: L’imposture au masculin, un secret honteux
Pour ceux qui ont lu ma chronique sur la masculinité toxique, vous serez peut-être surpris d’apprendre que le thème est aussi exploité dans cet ouvrage. Comment le syndrome de l’imposteur se manifeste-t-il généralement chez les hommes? Dans la recherche de ce qu’est un « vrai homme », notamment. Je n’ai donc pas été surpris de lire que les hommes avaient tendance à se tourner vers l’alcool ou l’évitement pour passer outre le syndrome. Puisque la société véhicule aux hommes d’être forts, d’être fiers, d’être émotionnellement stables, ils avouent moins leur sentiment d’imposture. Selon les recherches, ce sont principalement les stéréotypes de l’homme d’affaires, de l’athlète et du père de famille qui favorisent l’apparition du syndrome de l’imposteur.
Pour s’aider, il faut aussi faire son « coming out » d’imposteur, c’est un état qui peut être géré, pas un reflet de la réalité. (Nous sommes 70% de la population, assumons-nous!) Il faut faire plus d’erreurs, s’en permettre, parce que les erreurs nous apprennent à nous accepter nous-mêmes et à savoir que, malgré nos défauts, nous pouvons être aimés!
Chapitre 5: Au-delà du travail: le syndrome de l’imposteur dans la société
Le syndrome de l’imposteur, depuis son apparition dans le vocabulaire, a toujours été considéré comme un frein à l’ascension professionnelle. Et dans la société, au-delà du travail, il freine plusieurs types de personnes, dont les imposteurs bienfaisants et les imposteurs populaires.
Pour les premiers, les actes de bienveillance sont tout ce qu’il y a de plus normal. Ils croient que les gens ont une vision exagérée de leur bienveillance, que le fait de recevoir un compliment et de l’apprécier est un acte égoïste. L’imposteur bienveillant remarque seulement les fois où il n’a pas été gentil, les actes qu’il aurait pu faire. Son talon d’Achille, c’est la valeur qu’il attribue à la gentillesse qu’il pousse à la perfection.
Quant aux imposteurs populaires, ils sont de plus en plus nombreux à l’ère des médias sociaux. Ils apprécient recevoir, être reçus et minimisent ses réussites sociales. Ils ont tendance à penser que leur cercle d’amis n’est jamais assez rempli, avant de réaliser qu’ils n’ont pas réellement de véritables amis; ce qui accentue le sentiment d’imposture.
Chapitre 6: Le parent imposteur: la pression pour être une mère ou un père parfait(e)
On dira bien ce qu’on voudra, l’ère des réseaux sociaux n’apporte pas son lot de repos pour les parents. Reproduire la parfaite photo Instagram avec bébé à la plage, la pression, appelée « perfection parentale », a explosé depuis l’arrivée des médias sociaux. Cela crée un stress énorme pour les parents qui finissent pas croire qu’un petit échec ruinera la vie de leur enfant. La parentalité, aujourd’hui, repose généralement et essentiellement sur les triomphes et succès qu’on peut montrer aux autres, et qui rassurent notre capacité à être de bons parents. La parentalité, aujourd’hui, a besoin de succès immédiats. La réalité, c’est que chaque parent doit attendre près de deux décennies pour savoir s’il a réussi dans son rôle!
Le conseil de la docteur Mann : fiez-vous à votre instinct quand vous devez prendre des décisions concernant votre enfant!
Chapitre 7: Le syndrome de l’imposteur chez les adolescents et les étudiants: l’impact de la pression scolaire et sociale
L’enseignant en moi appréhendait cette portion de l’essai. L’imposture chez les adolescents et les étudiants! C’est fou comme j’ai reconnu certains traits de mes élèves et même certaines phrases que j’osais dire. Le sentiment d’insécurité des élèves est exacerbé par la pression qu’on leur met pour qu’ils aient toujours de bonnes notes. Certains vont même jusqu’à s’ajouter de la pression alors qu’ils ont déjà de très bons résultats. Pour mes collègues enseignants, voici quelques faits observables d’un enfant souffrant du syndrome de l’imposteur:
- Se coupe progressivement de ses semblables;
- Repousse les compliments ou les félicitations jusqu’à s’autosaboter;
- Supporte de moins en moins la compagnie des autres;
- Se sent accablé par l’image de surdoué que lui envoie son entourage;
- Évite de gérer des projets complexes qui pourraient montrer ses difficultés.
Selon une étude, la plus grande source de pression des élèves actuels vient des réseaux sociaux, avant de venir des examens. Les élèves naviguent dans un univers « photoshopé », tout en sachant qu’ils sont à risque de subir des commentaires haineux sur les médias sociaux. Ce sentiment d’imposture peut également s’amplifier avec la transition au cégep ou à l’université où ils se mesurent à d’autres talentueux, de nouveaux groupes à impressionner, de nouvelles méthodes de travail.
Les astuces et stratégies pour ces élèves sont d’éviter d’apposer des étiquettes, de ne pas mettre la barre trop haut, de ne pas faire trop de louanges, d’insuffler de la confiance, de ne pas critiquer quand ils se trompent, et d’essayer de se comporter de la même façon avec les filles et les garçons.