Leslie: le deuxième volet de la trilogie
Après le retentissant succès de Leslie et Coco (2019, Hurtubise), Marie Demers nous replonge dans cet authentique univers. Cette fois, on y retrouve Leslie, de retour dans sa Gaspésie natale.
Toujours aux prises avec son problème d’anorexie et ses troubles obsessionnels compulsifs (TOC), elle s’accroche au mince fil qui la rattache à la vie. Installée avec Robert Robert, le père de Coco, elle doit consulter un psychologue ; c’est l’entente qu’elle a pour rester chez sa meilleure amie. Le hic, c’est que Coco est partie étudier au cégep à Québec. Heureusement, elles entretiennent leur titre de femmes de lettres entre deux travaux pour Coco et deux consultations pour Leslie. À L’Anse-au-Griffon, Leslie fait également plus ample connaissance avec Alice, la nouvelle blonde de Colette, tout en essayant de panser ses blessures.
Le chemin vers la guérison de Leslie ne sera pas de tout repos. Des découvertes bouleversantes et des révélations troublantes viendront se greffer à son cheminement ?
Retrouvera-t-elle le goût à la vie ?
Coco, Leslie et Marie
Derrière les personnages de Coco et de Leslie, il y a Marie. Marie Demers. L’autrice. L’autrice qui est aussi chargée de cours, doctorante et éditrice. Une fois de plus, Marie Demers présente un roman profond et captivant. Au roman d’amitié, d’amour et de famille se mêlent des thèmes plus graves, plus sombres. Des thèmes, des termes et des descriptions plus crus, mais tout aussi vrais. Le consentement. Les troubles alimentaires. L’identité sexuelle.
De Montréal, l’autrice réussit à nous faire voyager jusqu’à L’Anse-au-Griffon où plusieurs mers se fracassent et se marient. En quelques lignes, on — le lectorat, incluant la personne qui rédige cet article — se retrouve sous le vieux pin à observer le fleuve en contrebas. En quelques mots, le mal de Leslie, ses TOC ou ses peines deviennent nôtres.
Marie Demers parvient, dans le deuxième opus, à faire réfléchir, à faire rire, à faire pleurer et même à faire sacrer. Je l’avoue, j’ai lancé mon livre au bout de mes bras à un moment… Lecteurs qui me connaissez et qui lirez ce roman, vous trouverez quel passage. Le cœur nous débat au rythme des actions qui s’enfilent, s’enchainent et s’entrechoquent dans une chorégraphie parfaite signée Demers. Le tout n’a rien de chaotique, puisque le tout est véridique !
Vision et appréciation de l’enseignant lecteur et chroniqueur que je suis
Ayant toujours été un grand lecteur (merci maman Dominique, enseignante en première année), il n’est pas si surprenant que j’apprécie me plonger dans divers genres littéraires. Encore aujourd’hui, je gravite entre les techniques de lecture de Coco et celles de Leslie. Tout lire d’un auteur ou butiner d’un livre à l’autre. Bien qu’il y ait cinq romans débutés sur ma table de chevet, j’ai également mes favoris. Patrick Senécal, Marie-Christine Chartier, Dan Brown, Martin Michaud : check! J’ai lu leur œuvre en entier.
Et puis, cette semaine, on place entre mes mains les deux premiers tomes de la trilogie Leslie et Coco. Bien sûr, j’avais vu les couvertures, amateur de littérature québécoise que je suis, mais je n’avais pas lu. En moins de 72 heures, je venais de dévorer les deux romans. Et, pour une rare fois, je voyais dans la littérature actuelle une empreinte authentique de ce que vivent mes élèves. (Ai-je dit que j’enseignais au secondaire ?)
Les TOC, les tics. Les troubles anxieux, de performance. Les déprimes et dépressions. Les personnalités fragiles en construction. Les relations profondes, superficielles ; celles actuelles, futures et passées ; celles qui font mal, celles qui font du bien. Les amours sincères, les amourettes. L’identité sexuelle. L’identité de genre. Le consentement ; sous toutes ses formes ; puisqu’ils peuvent bien rire du slogan « Sans oui, c’est non », le comprendre, pour vrai, reste un défi. Les dépendances ; toutes les dépendances. La consommation ; la surconsommation. Les bagages, parfois lourds, d’histoires ; bien pire que mes pires.
Marie Demers parle avec soin, avec délicatesse, de sujets tranchants, déchirants, et tout sauf délicats. L’enseignant en moi est rassuré de savoir que des auteurs et des autrices du Québec parviennent à traiter de ces sujets dans un langage accessible pour cette clientèle vulnérable : les adolescents et les jeunes adultes (je m’y inclus, du haut de mes vingt-cinq ans). Quand la responsable de la bibliothèque de mon école me demandera s’il s’agit d’une bonne lecture pour nos élèves, je lui répondrai le plus grand oui assumé. Si un(e) élève peut tomber sur ça « par hasard » et s’y reconnaitre, tout en y trouvant des solutions, alors je pense que l’autrice aura plus qu’atteint son objectif.