Pour l’amour des hommes – dialogue pour une masculinité positive
Encore cette année, de grands pas ont été franchis pour remettre en question les stéréotypes de genres et les attentes par rapport aux femmes. Cependant, ce progrès n’est pas accompli chez les hommes. Avec optimisme et humour, l’autrice Liz Plank mène une enquête approfondie sur la masculinité. Pour l’amour des hommes (V.F. de For The Love of Men) fournit des étapes concrètes pour savoir comment être un homme dans le monde moderne.
* Une pause s’impose. Je suis un homme et je vais vous parler de masculinité positive. Vous serez peut-être choqué.e, troublé.e ou réconforté.e par ce que je vais présenter. L’objectif est clair depuis le début : un dialogue pour une masculinité positive! Est-ce que je suis un bon ou un mauvais exemple? Qui suis-je pour en juger! Demandez plutôt à ma famille, ma copine, mes amis et mes élèves. Aussi, j’utiliserai consciemment le pronom nous pour présenter les personnes s’identifiant au genre masculin. Ceci étant dit, ce même nous présentera la généralité, telle que présentée dans le livre, en faisant abstraction de mes expériences personnelles.
Comment s’entendre dans les contradictions?
Aujourd’hui, en 2021, la masculinité traditionnelle est à la fois récompensée et sanctionnée. Nous, les hommes, grandissons en entendant dire que les garçons ne pleurent pas, que les poupées sont pour les filles. (Ce phénomène est plus récent qu’on pourrait le penser! Les jouets genrés sont devenus à la mode dans les années ’80.) Les hommes apprennent à cacher leurs sentiments et leurs angoisses, que leur masculinité doit être prouvée constamment. Ils doivent être pourvoyeurs et adeptes du romantisme. Cela n’a pas été bon pour la société en général: 99% des tireurs dans les écoles sont des hommes. Que dire de cette statistique: les hommes dans les fraternités sont 300% (!) plus susceptibles de commettre des viols. Et de celle-ci: les femmes en uniforme ont plus de risques d’être agressées par un camarade soldat que d’être tuées par l’ennemi!
Dans Pour l’amour des hommes, Liz propose un guide intelligent, perspicace et profondément documenté. Le guide indique ce que nous allons tous faire pour lutter contre la masculinité toxique. L’autrice s’adresse tant aux femmes qui cherchent à guider les hommes de leur vie qu’aux hommes qui veulent faire mieux sans savoir comment.
Guider et ouvrir le dialogue
Pour l’amour des hommes, c’est un essai qui ouvre la discussion sur les problèmes des hommes dans une société où tant de choses changent, mais où les rôles sont restés étrangement stagnants. Oui, les hommes passent plus de temps à la maison qu’avant. Oui, les hommes passent plus de temps avec leurs enfants qu’avant. Mais posez la question suivante à un homme et observez sa réaction: seriez-vous en couple avec une femme qui gagne plus d’argent que vous? Ou encore: avez-vous pris tous les congés de paternité auxquels vous aviez droit? Au Québec, nous avons la chance, non! le privilège, d’avoir cinq semaines de congé de paternité dans la loi. Et ce congé, ce sont 72% des pères qui l’ont pris en 2019 (comparativement à 28% en 2005)! Malgré les progrès, il reste plusieurs tabous toxiques…
Qu’allons-nous faire pour les hommes, pour que ceux-ci délaissent la masculinité toxique pour une masculinité plus positive? L’essai apporte plusieurs éléments de réponses.
Un constat de Liz Plank est que cette masculinité dite « traditionnelle » n’a rien de naturelle, elle est tout à fait culturelle. L’autre constat, c’est que les hommes évoluent dans une masculinité qu’ils alimentent eux-mêmes; cette même masculinité leur étant très nuisible. Prenons un exemple fort courant, celui de l’homme qui n’affiche pas ses émotions. En ne les affichant pas ou en ne les partageant qu’avec un minuscule cercle social (souvent uniquement sa conjointe), l’homme se replie sur lui-même. Et ce replis est d’autant plus problématique puisque les scientifiques s’entendent pour conclure que vivra plus longtemps quiconque ayant un cercle social important!
Aider les hommes, c’est aussi aider les femmes
Attention, ne déformez pas mes mots! Ouvrir le dialogue pour une masculinité positive ne veut pas dire favoriser le masculinisme toxique ou les mouvements antiféministes. C’est plutôt, et justement, ouvrir le dialogue sur le masculinisme visant à affranchir les hommes de leurs rôles sociaux traditionnels. J’abordais précédemment les congés parentaux, quel bel exemple d’affranchissement de la masculinité toxique. « Un homme, ça travaille. Ça ne s’occupe pas de ses enfants! » Non! L’homme, au Québec, a droit à un congé comme la femme afin de passer les premiers moments avec son enfant. Est-ce que l’implantation du congé de paternité a fait reculer le congé de maternité? Non plus!
Pourquoi est-ce désormais bien vu de prendre son congé de paternité alors que les bromances peinent à être socialement acceptables? Bromance, c’est un nouveau terme. Il qualifie une amitié sincère et intime entre deux hommes. Parce que, oui, il semble que ce soit tellement exceptionnel que ça devait avoir son propre nom. Vraiment?
Cette approche cruciale du genre n’est pas cruciale que pour les hommes: c’est une pratique qui peut apporter la guérison à tous et à toutes. Pour beaucoup d’entre nous – pas seulement les hommes -, le genre est un peu comme un garde-robe: il y a plein de trucs au fond qui ramassent la poussière, qui ne servent plus à rien et qui prennent trop de place. […] Simplement, je demande à chacun et à chacune d’entre nous de réfléchir sérieusement aux choses auxquelles nous nous accrochons et de consciemment lâcher prise si ces choses nous empêchent d’être les personnes que nous voulons être. Le temps est venu au grand ménage de nos habitudes genrées. […] Mets-toi au boulot, fais le ménage de ton genre et débarasse-toi de toutes les cochonneries que tu traines depuis trop longtemps. – Liz Plank